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UN CÉLÈBRE BOTANISTE ANGLAIS,
JOHN RAY (1627-1705), EN VISITE
DANS LA RÉGION LIÉGEOISE
EN 1663*
Par JOSEPH BEAUJEAN
La région liégeoise a fait l’objet de la visite au cours des siècles passés de botanistes réputés. Parmi ceux-ci Aug.-Pyr. De Candolle (1778-1841) est sans doute le plus connu (BeauJean, 2008), mais il est loin d’être le seul. (C. Linné fit la même chose en 1738). C’est d’un autre personnage marquant de l’histoire de la botanique qu’il sera question ici : John Ray [Black notley (Essex, G.-B.) 29.11.1627 - Black Notley 17.1.1705], naturaliste à Cambridge, souvent qualifié de « Père de la botanique britannique », qui traversa la région liégeoise en 1663.
Nous avons demandé à Mr. a. Maccio de nous traduire les pages 48 à 52 du volume 1 des célèbres « Travels », traductions revues par le professeur J. Lambinon, ces pages qui concernent en effet plus spécialement le court séjour de Ray dans notre province (Liège, Spa et L
imbourg).
SON PASSAGE EN TERRE LIÉGEOISE
Le 22 juin 1663, venant de Maastricht, Ray passe par la Montagne Saint-Pierre et ses carrières, dont il donne une longue description [comme De Candolle (en 1810), il ne parle pas de la flore de l’endroit, pourtant si riche] et arrive à Liège. Ici aussi une description de la ville, de ses rues, de la Meuse et de ses habitants. Sur les collines avoisinantes, il voit des vergers, de cerisaies et des vignobles. Parlant des femmes qu’il rencontre, il en fait la description suivante : « Les femmes ont le teint basané et ne sont en général pas aussi belles que les hollandaises. Elles font un travail fastidieux, les plus pauvres portent notamment du charbon sur le dos, dans des paniers de forme conique, et sont munies d’un bâton dur qui leur sert entre autres à se reposer sans déposer leurs paniers. Près de cette ville, il y a d’énormes quantités de charbon, mais il se trouve à grande profondeur.» Dans le parc du Collège des Jésuites anglais, il remarque de nombreux cadrans ingénieux inventés par le père Franciscus Linus (Londres 1595 - Liège 15 11.1675), physicien et mathématicien, génial constructeur de cadrans solaires ; mais il ne rencontre pas l’inventeur, celui-ci se trouvant en Angleterre, où il exerce son ministère dans la clandestinité jusque vers 1672.
On pourrait croire qu’il parle un peu de la célèbre cathédrale Saint-Lambert, mais pas un mot, pas un mot non plus d’une célébrité locale qui habitait aux alentours de la cathédrale : René François de Sluse (Visé 2.7.1622 - Liège 19.3 1685), mathématicien réputé. Il continue sa visite de Liège par l’église des Guillelmites (= Guillemins), aujourd’hui disparue : « Dans l’église du monastère des Gulielmites nous avons vu la pierre tombale de Sir John Mandeville. Dans la sacristie, on conserve sa selle, ses éperons et un mors de bride ; mais aussi deux magnifiques couteaux.
Les moines qui nous ont montré ces choses nous ont dit qu’elles leur avaient été données par l’empereur des Turcs en personne ». Sur sa pierre tombale se trouvait l’inscription suivante : HIC JACET VIR NOBILIS DNS JOES DE MANDEVILLE AL’ DICTUS AD BARBAM MILES DNS DE CAPDI NATUS DE ANGLIA, MEDICINE PROFESSOR, DEVOTISSIMUS ORATOR ET BONORUM LARGISSIMUS PAUPERIBUS EROGATOR, QUI TOTO QUASI ORBE LUSTRATO, LEODII DIEM VITE SUE CLAUSIT EXTRRMUM ANO DNI
M° CCC° LXXI° MENSIS NOVEMBRIS DIE XVII.
Sur cette même pierre, on pouvait aussi voir la silhouette d’un homme armé marchant sur un lion, avec une barbe fourchue, la main près de la tête dans une pose de bénédiction, et ces mots sortaient de sa bouche en vieux français, VOS KI PASEIS SOR MI POUR L’AMOUR DEIX PROIES POR MI, ce qui signifie : Toi qui passe sur moi pour l’amour de Dieu prie pour moi.
Le 26 juin, Ray quitte Liège pour rejoindre Spa (qu’il écrit Spaw). Sur sa route, il voit le château de Franchimont. À propos de Spa, il déclare : « Les habitants ne tirent pas le moindre bénéfice des passages fréquents d’étrangers, qui, en été, y affluent en abondance pour boire les eaux médicinales.» en parlant de la source du Pouhon, il déclare : « Il y en a une que l’on appelle Pouhon, à l’intérieur de la ville, sur la place du marché, qui a un goût prononcé de vitriol, et dont les vertus sont écrites dessus. Obstructum referat, durum terit, humida siccat, Debile fortificat,si tamen arte bibis.»
Enfin des plantes ! « Dans les bois et sur les rochers proches de cette ville, nous avons trouvé — signale Ray — de nombreuses plantes rares, que nous n’avions jamais vues auparavant, je veux dire jamais vues pousser dans leur milieu naturel ; Asclepias flore albo, Polygonatum minus, Cyanus major, Ranunculus spicatus, Campanula persicifolia, Sideritis flore pallido similis Ladano segetum, etc.
Le 28 juin : de Spa il se dirige vers Aix-la-Chapelle en passant par Limbourg, et il donne une courte description de cette ville fortifiée.
BIBLIOGRAPHIE
Beaujean J., 2008. « Le Voyage de Liége de A. P. De Candolle, en 1810 ». Lejeunia NS, 184, 115 p.
Crépin F., 1878. Guide du botaniste en Belgique. Gand, C. Annoot-Braeckmans, 495 p. [cf. p. 231, Ray].
Daniels G. S. & Stafleu F. A., 1973. « Portraits of botanist n° 37, John, Ray ». Taxon 22: 204.
Dejardin A., 1863. « Notice sur le collège des Jésuites anglais à Liège ». Bull. Inst. Archéol. Liégeois. VI, p. 481-495.
Jongmans F., Halleux R., Lefebvree P., Bernes A.-C., 1985. – Les Sluse et leur temps. Une famille, une ville, un savant au XVIIe siècle. Liège, Crédit Communal, Impr. Massoz, 112 p. [cf. p. 07, Le père Linus].
Opsomer C., 2001. « Un foyer d’études sous l’ancien Régime : le Collège des Jésuites anglais de Liège ». Bull. Acad. Roy. Belg., 6e série, XII, n° 1-6, p. 11-39.
Ray J., 1673. Travels Through the Low-countries, Germany, Italy and France with curious observations, natural, topographical, moral, physiological etc. also a catalogue of plants found spontaneously growing in those parts and their virtues, etc., London, Walthoe. 2 vol., I, 428 p. [cf. p. 44-52].
Van Hulst F., 1842. René Sluse. Liége, F. Oudart, 72 p.
REMERCIEMENTS
Nos plus vifs remerciements s’adressent à M. Jacques Lambinon, professeur honoraire de botanique à l’ULg, qui a revu la traduction, ainsi qu’à notre neveu, Alessandro Maccio, pour la traduction du passage de l’ouvrage qui nous intéresse ici et à Mme Carmélia Opsomer, maître de conférence et ancienne responsable du service des manuscrits à l’ULg.
* Paru dans Natura Mosa, 64, p. 113-116
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