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Histoire de la presse » L’Élite des nouvelles
EXtrait : l’Élite des nouvelles
du dimanche 2 janvier 1718
De Vienne le 18 décembre
Hier l’empereur tint conseil secret sur les affaires du temps. On n’apprend rien encore touchant la négociation de paix avec les Turcs ; et l’on n’apprend plus aucune réponse sur les propositions préliminaires qu’après l’assemblée du Divan qui devait se tenir à Constantinople après le retour du Grand Seigneur. On croit qu’il faudra faire encore une campagne vigoureuse pour obliger les Turcs à rechercher plus fortement la paix. Les ordres qui ont été donnés depuis quelques jours font juger que de ce côté-ci, s’il faut recommencer, on veut se mettre en état de continuer la guerre avec avantage, et faire des expéditions prématurées. On fait ici beaucoup d’attention sur l’occupation de Ribnitz en Valachie, et sur l’invasion que nos troupes sont allées faire en Moldavie, pour châtier les peuples de cette province et y lever la contribution. Le Général Comte de Steinville y est marché en personne. Il y a apparence que l’exécution y sera rude, à cause que les Moldaves ayant leur Prince à la tête, ont été de l’invasion que les Turcs ont faite au mois d’août dernier dans la Transylvanie et la haute Hongrie, om ont été commises les dernières cruautés, les ennemis ayant alors égorgé, rôti et écorché des vieillards, des femmes et des enfants qu’ils ne pouvaient pas emmener en esclavage.
La sortie du nonce apostolique hors du royaume de Naples, par ordre du vice-roi, fait ici présentement la principale matière de l’entretien public. On prétend que ces ordres ont été donnés sur ce que sa sainteté, suivant les demandes de l’empereur, n’a pas révoqué solennellement les concessions données à la cour de Madrid pour la collecte des dîmes et de la cruciata ; qu’elle n’a pas rappelé son nonce qui est à Madrid ; et qu’elle n’a pas voulu accorder que dorénavant elle ne confesserait aucune dignité de sa collation dans le royaume de Naples, sinon au naturels du pays. Le dernier courrier qui est venu de ce pays-là, a rapporté que le vice-roi a fait arrêter tous les revenus que le pape a dans ce royaume, et entre autres les 300 mille écus que sa sainteté tire annuellement du clergé, et qu’il en a fait de même à l’égard de tous les biens ecclésiastiques possédés dans ce royaume par les cardinaux, prélats et autres qui ne sont pas sujets de l’empereur. On ne dit plus rien du voyage du prince Eugène de Savoye au Pays-Bas et en Angleterre ; mais on recommence de parler de la grossesse de l’impératrice, qui continue de se divertir à tirer au but. On continue aussi à faire partir des recueils pour les régiments qui sont en Hongrie.
De Paris le 26 décembre
Les lettres de Londres du 20 portent la copie de la lettre des secrétaires d’état aux ministres étrangers, datée du 14 ; le roi ayant été informé qu’on faisait courir divers bruits mal fondés de ce qui s’est passé dernièrement dans la famille royale au sujet du jeune prince. Aussitôt que le prince fut né, S.M. se fit informer des cérémonies qu’on faisait, en pareil cas, dans le royaume, à l’égard du baptême ; et ayant vu par les registres, que lors que c’était un garçon, et que le roi en était le parrain, il avait coutume de nommer un des principaux seigneurs de sa cour ; et il s’était trouvé, que souvent c’était le lord chambellan, il nomma pour cette fonction le duc de Newcastle qui est revêtu de cette charge, nommant en même temps la duchesse de St. Albans première dame d’honneur de la princesse. Le prince de Galles en conçut un tel chagrin, qu’après la cérémonie du baptême, il en témoigna son ressentiment au duc de Newcastle, et s’approchant auprès de lui, il lui dit des injures, lui reprochant qu’il avait brigué cet honneur contre son gré. Le roi était alors dans la chambre ; mais il ne l’entendit pas. Ledit duc en informa le roi, qui envoya le lendemain ordonner au prince par deux messages, de ne point sortir de son appartement jusqu’à nouvel ordre. Deux jours après, le prince écrivit une lettre au roi, et le lendemain une autre ; mais il ne les trouva pas à son gré, ayant d’ailleurs des sujets de mécontentement contre lui : il dit dire au prince par le sr. Cook, son vice-chambellan quelques jours après, qu’il eût à sorti du palais de St. James ; et à la princesse, qu’elle pouvait rester dans le palais autant qu’elle le souhaiterait, mais qu’il voulait que les princesses ses filles et le jeune prince restassent auprès de lui, et qu’il serait permis à la princesse de les voir quand elle voudrait ; mais elle ne voulut pas quitter le prince son époux, et se retira avec lui chez le comte de Grantham son grand chambellan, où ils ont couché. Le roi leur a ôté les gardes, et a ordonné qu’on sortît tous les chevaux et équipages de la Meuse qui leur appartiennent ; et à tous ceux qui les visiteront, de ne point paraître à la cour. Le marquis de Vinchester, le comte de Hertfort, le sr. Craggs et autres, ont resigné leurs places chez le prince ; et plusieurs seigneurs qui avaient des emplois chez le roi, ont quitté pour demeurer au service du prince, et d’autres ont été mis à leurs places. Ledit prince a eu un accès de fièvre fort violent : il a resté un jour entier au lit, il eut une rougeur par tout le corps, et il y eut une assemblée de 4 médecins qui lui donnèrent un remède qui le fit reposer, et le lendemain il se portait mieux, aussi bien que la princesse qui s’était évanouie plusieurs fois, et qui est encore fort faible. On a arrêté quelques personnes qui débitaient un libelle intitulé : Le prince en arrêt. Le lord chancelier a dit au roi qu’il n’avait pu obliger sa femme à se démettre de sa place de dame d’honneur de la princesse, et avait témoigné au roi que cela lui causait de l’embarras : et que sur cela, S.M. avait ordonné à toutes les dames d’honneur de la princesse qui s’en étaient démises, d’aller reprendre les fonctions de leurs charges jusqu’à nouvel ordre ; et on prétend que cet ordre a été donné pour empêcher le chancelier de se démettre de sa charge, comme il en avait dessein, pour éviter l’embarras que cela aurait causé. L’archevêque de Cantorbéry et quelques autres seigneurs du premier rang ont de fréquentes conférences avec le roi pour apaiser ces troubles ; et l’archevêque d’York fut aussi hier auprès de S.M.
De Francfort le 26 décembre
On a négocié ici de grosses lettres de change pour le prince électoral de Saxe qui est toujours à Vienne où il doit quitter l’incognito, et y faire encore un séjour de quelques mois. On avait dit auparavant, que le prince de Portugal se préparait à retourner par l’Empire et la Hollande auprès du roi son frère ; mais on écrit présentement qu’il a fait tant d’instances auprès de l’empereur par les impératrices et les archiduchesses, qu’il semblait que l’empereur se laisserait enfin porté à lui donner un régiment, avec quelques autres agréments, et à lui permettre de faire encore une campagne en Hongrie. Les lettres de Suisse ne disent pas encore quand se fera l’élection d’un nouvel abbé de St. Gal. Le duc de Savoye continuait de faire demander aux Suisses la levée de trois régiments de leur nation ; mais le ministre de l’empereur s’y opposait fortement. On écrit de Rome que le comte de Gallasch, ambassadeur de l’empereur, se préparait à aller faire un tour au royaume de Naples, pour y conférer avec le vice-roi sur les affaires du temps.
De la Haye le 16 décembre
La violente tempête qu’il fit la nuit de Noël, à causé divers naufrages sur les côtes, et les eaux de la mer ont été si hautes, qu’elles ont emporté une bonne partie des dunes à Scheveling et le long de la côte. Les eaux ont été à Amsterdam près d’un pied plus hautes qu’en 1702 ; en sorte qu’elles commençaient à passer au dessus des digues. Elles ont même passé par-dessus les portes d’une certaine écluse entre Sparendam et Haerlem ; en sorte qu’il y a eu plusieurs lieux inondés. La digue près d’Assendelft a été rompue en divers endroits ; en sorte que Westzanen, Kromenis et Saerdam ont été mis sous les eaux. Plusieurs petites digues ont été aussi rompues dans la Northollande, et plusieurs lieux submergés. Nous apprenons de Dort que les eaux de la Meuse ont passé de même en plusieurs endroits par-dessus les digues ; en sorte qu’à Rotterdam elles ont été plus hautes qu’on ne les avait vues de mémoire d’hommes, tout le bas des maisons ayant été inondé. On apprend de Petersbourg que le czar, qui avait dessein d’aller faire un tour à Moscou, avait changé de dessein, sur l’avis qu’il avait eu que 40.000 rebelles étaient portés sur la route pour lui en empêcher le passage : sur quoi il avait donné ordre de faire avancer des troupes pour les mettre à la raison.
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